Africa FootGoal : Bonjour M. Daouda. Nous vous avons connu dans l’athlétisme. Est-ce que vous avez commencé à travailler ou bien à utiliser votre expertise avec des clubs de football ?
Aziz Daouda : Tout d’abord permettez-moi de saluer en cette occasion la mémoire d’un grand du football africain qui a disparu, qui est l’entraîneur, coach Louzani. Si vous vous rappelez c’est quelqu’un qui avait qualifié l’équipe du Maroc en Coupe du Monde aux Etats-Unis, notamment sur un dernier match joué au Sénégal. Il nous a quittés cette semaine. Je vais vous raconter une anecdote qui m’est arrivée il y a une vingtaine d’années. J’avais un ami président d’un grand club qui est le FUS, vous avez reçu hier le président du FUS dans cette conférence. Cet ami était en difficulté parce que son équipe ne marchait pas bien. On était à la fin des matchs aller et son équipe était pratiquement en bas du tableau et il avait peur que le FUS, grande équipe historique de Rabat, se retrouve en deuxième division. Dans une discussion juste amicale comme ça avec justement coach Louzani qui nous a quitté et des amis, il m’a demandé « est-ce que tu peux m’aider ? ». J’ai dit « d’accord » parce que c’était mon ami et moi-même étant de Rabat je ne voulais pas que mon équipe fétiche se retrouve en deuxième division. Et donc j’ai pris l’équipe en main, et j’ai appliqué exactement ce dont on est en train de parler, c’est-à-dire que j’ai intégré ce que à l’époque n’était pas très connu dans le football avec certaines recommandations scientifiques : mesurer la fatigue, aller voir les potentiels des joueurs, etc. Et on a commencé à travailler. On a fini l’année en troisième position du championnat. Depuis j’ai conseillé quelques coaches et quelques entraîneurs de football.
Africa FootGoal : Quel sont les challenges qui existent au niveau de la gestion de la performance en Afrique ?
Aziz Daouda : La problématique du football en Afrique c’est qu’on pense encore que le football c’est ce que l’on fait sur le terrain. Ce qu’on fait sur le terrain, c’est juste le plat final. C’est le plat tel qu’on le présente, c’est ça le terrain, c’est ça la compétition. Les joueurs sont dans de belles tenues, ils sont disposés, il y a un gardien de but qui a de beaux gants, etc. Mais qu’est-ce qu’on a fait avant pour arriver à être là ? Qu’est-ce qu’on va faire après quand on va quitter ? Qu’est-ce qu’il se passe dans notre corps sur le plan mental, les liens qu’il y a entre nous, pour pouvoir jouer ensemble et avoir des résultats. C’est justement ce qu’apporte la science, les explications qu’apporte la science. Et malheureusement les coaches qui n’arrivent pas à intégrer ces choses-là ne peuvent pas aller très loin. Ils resteront petits, leurs résultats ne seront jamais au niveau de ce qu’ils pourraient être. Finalement c’est l’entraîneur qui va concentrer ou centraliser ces connaissances, c’est beaucoup pour ces épaules, mais c’est comme ça, il y a un coach, c’est le patron. C’est lui qui présente le produit final, c’est lui qui va vous mettre le plat entre les mains sur une table. C’est lui qu’on regarde, on ne regarde pas le reste. Mais lui doit avoir l’intelligence d’intégrer avec lui ce qui peut l’aider scientifiquement à aller de l’avant, parce que sinon ça n’est pas possible, il ne peut pas progresser. On n’apprend plus le football par le football ou l’athlétisme par l’athlétisme, c’est tout le sport qui a évolué en fonction des connaissances scientifiques aujourd’hui très avancées. Je remercie Craig (intervenant sur le même panel) qui a très bien aussi résumé la situation, et on devrait apprendre dans les écoles d’entraîneurs en Afrique, dans les stages qu’on fait en Afrique, que ce n’est pas uniquement donner la balle à droite à gauche etc. Qu’est-ce qu’il se passe pour donner la balle correctement ? Qu’est-ce qu’il se passe en nous pour améliorer la façon de faire des passes, la façon de tirer une balle, la façon de se mettre sur le terrain, combien on doit courir ? Toutes ces choses-là sont extrêmement importantes et doivent être intégrées dans la formation des entraîneurs.
Africa FootGoal: Nous aimerions recueillir votre avis sur la conférence Africa FootGoal.
Aziz Daouda : Je suis très honoré d’avoir participé avec d’éminents scientifiques et de grands connaisseurs du football et de grands joueurs, des gens qui m’ont fait rêver, que j’ai suivi sur des écrans, que j’ai vu se mouvoir, etc. Ce qu’apporte cette conférence c’est justement ce regard scientifique. J’aurai aimé que ce panel soit celui du début pour que tous les intervenants dans le football à tous les niveaux, les managers, les marketteurs, comprennent ce dont on a parlé aujourd’hui parce que c’est essentiel dans notre métier aujourd’hui de formateur, d’entraîneur, c’est le cœur du métier. Le cœur du métier n’est pas le management. Tout à l’heure Sadio (intervenant sur le même panel) a dit qu’on dirige le football comme une entreprise. C’est l’entreprise qui copie sur le football. Il ne faut pas oublier que tous les termes utilisés aujourd’hui en entreprise ont été pris du football et du sport quand on parle de performance, de résultats, de ces choses-là. C’est eux qui ont copié. Donc le sport et notamment le football est en avance sur l’entreprise. L’entreprise copie sur le sport. Elle copie beaucoup sur le sport, sur comment on améliore les performances des gens, comment on améliore le résultat final, etc. J’interviens beaucoup au niveau des entreprises, mais à chaque fois je me rends compte que nous sommes en sport très en avance sur les entreprises et c’est pour ça d’ailleurs qu’ils font appel à nous, c’est parce qu’ils ont beaucoup à apprendre de nous.
Africa Footgoal : Merci beaucoup.
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